« Quitte ta robe de tristesse et de misère »
En l’an de grâce 2024, Emmanuel Macron étant président de la République française, Anne Vignot, mairesse de Besançon, François, pape de l’Église catholique, alors que le gouvernement venait d’être renversé par une motion de censure et que la guerre ravageait nombre de pays, une parole fut adressée dans le désert à… ? A qui, au juste ? A toi ? A moi ? A qui veut bien ouvrir l’oreille de son cœur. « C’est le moment, l’heure est venue de sortir de votre sommeil, relevez-vous et redressez la tête, Dieu vient et il va accomplir sa promesse. »
Dieu tient parole. Mais sa promesse ne peut se réaliser que si elle trouve des cœurs qui écoutent et se laissent transformer par elle, des cœurs qui la prennent au sérieux, comme Jean-Baptiste. Oui, Dieu rêve d’accomplir sa promesse dans notre monde aujourd’hui, dans notre Église, dans notre vie, ma vie.
Pour réveiller notre espérance, l’Église convoque une parole oubliée, une parole presque vieille comme le monde, prononcée par le prophète Baruc il y a plus de 2000 ans, alors que le peuple, exilé loin de sa terre et de lui-même, doutait de la promesse :
« Jérusalem, quitte ta robe de tristesse et de misère. » Nous la connaissons bien cette tristesse. Tristesse d’une société qui danse sur un abîme, qui s’étourdit pour se cacher qu’elle a perdu sa boussole, la direction de sa course effrénée vers un hypothétique progrès.
Mais ce vêtement de tristesse et de misère, c’est peut-être aussi le mien ? Ne représente-t-il pas ce moi préfabriqué, ce personnage que j’ai endossé depuis mon plus jeune âge afin de me faire accepter et aimer par mon entourage, sans voir que je me coupai alors de toute une richesse intérieure, que je laissai dans l’ombre des pans de ma personnalité ?
Comme le fils cadet de la parabole qui revient à la maison les vêtements en lambeaux, les sandales déchirées, le cœur brisé. Son Père, qui l’attendait depuis toujours, lui a simplement ouvert les bras, demandant à ses serviteurs : « Vite, apportez les plus beaux habits, mettez-lui des sandales aux pieds et un anneau au doigt. » Le voici revêtu d’un vêtement nouveau qui signifie : tu es bien de la famille, le lien entre nous ne s’est pas rompu, redeviens toi-même.
C’est bien ce que dit à sa manière le prophète Baruc : « Revêts la parure de gloire de Dieu pour toujours, enveloppe-toi dans le manteau de la justice de Dieu. » La gloire de Dieu, c’est de nous envelopper dans sa tendresse et sa miséricorde. Sa justice, c’est de rendre aux petits et aux humiliés leur dignité d’enfants bien-aimés du Père.
Dieu vient nous faire don d’une vie nouvelle, nous revêtir de sa propre vie, nous faire goûter à la joie du salut. « Car Dieu conduira Israël dans la joie, à la lumière de sa gloire avec sa miséricorde et sa justice. »
Seulement, pour me laisser revêtir du vêtement de fête, il me faut accepter de quitter mon vieux vêtement. Sans doute est-il usé et sale, mais j’y suis habitué, j’ai appris à vivre avec. Le quitter, c’est prendre le risque de m’ouvrir à une vie nouvelle que je ne connais pas, que je ne maitrise pas, prendre le risque de la confiance en Dieu, en sa promesse.
Et si nous vivions ce temps de l’Avent comme un temps de grâce et de réconciliation, la chance qui nous est donné d’accueillir la vie nouvelle offerte par le Christ ?
« Viens, Seigneur Jésus ! »
Frère Nicolas Morin