JESUS RESISTE AU VERTIGE DE LA TENTATION. LA COLOMBE OU LE DIABLE. Lc 4, 1-13.
Nous avons trois récits des tentations de Jésus, Mt et Lc sont très proches, Mc est beaucoup plus sobre.
Au baptême jésus a reçu la révélation de son être profond et de sa mission : « Alors le ciel s’ouvrit. L’Esprit saint descendit sur Jésus sous une apparence corporelle, comme une colombe et une voix vint du ciel « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. C’est toi mon Fils bien aimé, il m’a plu de te choisir » ( Lc 3, 21-22)
Luc insère entre le baptême de Jésus et les Tentations la généalogie de Jésus qu’il fait remonter jusqu’à Adam : « Fils d’Adam, Fils de Dieu. » (Lc 3, 38) ; Contrairement à Mt qui ne fait remonter la généalogie que jusqu’à Abraham.
Celui qui vient d’être désigné comme Fils de Dieu partage bien toute la condition humaine, il en est solidaire.
C’est l’Esprit qui pousse jésus au désert, il est poussé par Dieu à vivre l’épreuve du désert mais c’est pour une rencontre, un dévoilement de sa relation au Père et de sa relation aux hommes.
Il va revivre ces 40 jours (40 le temps des grandes préparations : 40 ans au désert pour le peuple d’Israël, 40 jours sur la montagne où Moïse va rencontrer Dieu…). Il va revivre cette marche au désert où le peuple va faire l’expérience de sa pauvreté et de sa difficile fidélité et aussi l’expérience au cœur des épreuves.de la fidélité de Dieu.
Il ne s’agit pas de « petites diableries » mais d’épreuves existentielles : jésus va-t-il être Fils de Dieu pour « son propre compte », pour sa gloire personnelle où choisir d’être Fils de Dieu dans la confiance à son Père ?
C’est une question de vie ou de mort : choisit la vie ou choisit la mort disait déjà la parole de Dieu dans le livre du Deutéronome. (Dt 30, 19)
La première épreuve c’est celle de la faim, du dénuement (La pratique du jeûne c’est justement de faire l’expérience de la pauvreté, du manque… pour se resituer au cœur) et le diable va transformer cette épreuve en tentation : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain ». Jésus va-t-il utiliser son pouvoir de Fils de Dieu pour échapper à la réalité de la vie biologique des hommes, pour séduire les foules en multipliant les pains où va-t-il accueillir cette fragilité qui le relie à la condition humaine ? Va-t-il se situer dans la relation confiante au Père : « Il est écrit : ce n’est pas seulement de pain que l’homme vivra » (Dt 8, 3) et Mt, contrairement à Luc, ajoute la fin du verset dans sa version grecque : « mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu » Le pain de l’homme ce n’est pas de trouver sa sécurité dans ses biens, c’est d’abord la relation, à Dieu et à ses frères. Et c’est pour cela que jésus donnera sa vie comme une nourriture eucharistique.
La deuxième tentation chez Luc (qui inverse l’ordre de Mt), c’est la tentation du pouvoir et de la gloire terrestre. Jésus va-t-il adorer le diable pour régner sur les royaumes et sur les personnes par un pouvoir extérieur, un pouvoir de domination qui lui serait donné par les puissances du mal (violence de la guerre, de l’argent, de la séduction, du savoir non partagé etc.). Et jésus répond : « il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et c’est à lui seul que tu rendras un culte. » (Dt 6, 13) ; Ils sont nombreux ceux qui ont été séduits par ces idoles : les chefs de guerre, les despotes de tous genres, les multinationales qui exploitent les pauvres, les médias qui font la pluie et le beau temps…. Jésus nous invite à ne rien idolâtrer, à ne pas confier notre vie à des « divinités extérieures » : veaux d’or, idoles païennes, chars et chevaux, tout ce qui fait miroiter une domination et un succès facile et qui écrase tout sur son passage. Quelles sont nos idoles : en qui, en quoi mettons-nous notre confiance ?
La troisième tentation : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi d’ici en bas : car il est écrit : « il donnera pour toi ordre à ses anges de te garder » et encore : « ils te porteront sur leurs mains pour t’éviter de heurter du pied quelque pierre. » (Ps 91, 11-12) Mettre à l’épreuve Dieu lui-même : est-ce que tu existes, es-tu capable de nous sauver, si tu existes prouve-le…Jésus est invité par le diable à défier les lois de la nature, à provoquer des prodiges (des miracles) pour asseoir sa propre gloire, pour acquérir une renommée, pour être applaudi et reconnu. Et Jésus répond : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » (Dt 6, 16) cf. Ex 17-7 : « Il (Moïse) appela ce lieu du nom de Massa et Mériba -Epreuve et Querelle- à cause de la querelle des fils d’Israël et parce qu’ils mirent le Seigneur à l’épreuve en disant « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » (A cause du manque d’eau dans le désert)
« Ayant alors épuisé toute tentation possible, le diable s’écarta de lui jusqu’au moment fixé. » (Lc 4, 13) Ce verset final nous montre que jésus à choisit la manière de vivre sa mission. Il renonce à apporter le salut par un pouvoir extérieur qui s’imposerait par force, ou séduction ; Il choisit le chemin du Serviteur qui est fidèle à son Père et partage la fragilité humaine jusqu’à l’extrême. Le moment de la passion sera l’ultime combat : « Pourtant, que ce ne soit pas ma volonté, mais la tienne qui se réalise. » (lc 22, 42), « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » (Lc23, 46). La Résurrection sera bien l’attestation par le Père que Jésus en résistant au vertige de la tentation a choisi le chemin de la vie, chemin qu’il ouvre pour nous.
Frère José Kohler
