Quand je ne me sens pas bien ; quand je me sens confus dans ma tête, je ressens le besoin de faire le grand ménage dans ma chambre. Je mets alors de côté toutes ces choses qui s’accumulent sans réel besoin, tant de choses qui finissent par occuper tout l’espace.
Après ce nettoyage de printemps, je respire mieux, ma vie se trouve simplifiée.
Et je fais profiter à d’autres de ces objets ou de ces vêtements qui ne me sont pas nécessaires.
Il me semble que le jeûne que propose l’Eglise en ce temps de Carême est de cet ordre-là : faire de la place en nous-même, simplifier notre vie, nous rendre plus légers, plus libres, plus joyeux.
Jeûner, c’est consentir au manque, dont le marqueur ultime est la mort. Je suis limité, fini. Je ne suis pas à moi-même ma propre origine. Tout ce que j’ai, tout ce que je suis, je le reçois. Dès que je cherche à saisir, à m’approprier le don gratuit de la vie, la mienne et celle d’autrui, je perds tout.
Jeûner, c’est ouvrir les mains pour tout accueillir avec gratitude, redécouvrir combien la vie est belle et bonne et qu’elle m’est donnée.
Jeûner, c’est ouvrir les mains pour que la vie circule, se partage, donne du fruit en abondance. Nous sommes riches du bonheur que nous partageons.
Jeûner, c’est ouvrir les mains et nous tourner vers l’origine de tout bien, notre Créateur et Sauveur.
Le jeûne, la prière et l’aumône participent d’une même logique : il s’agit de se reconnecter à notre être profond, un être qui ne s’accomplit que dans la relation et le don de soi.
40 jours pour se reconnecter à nous-même.
40 jours pour naître à nous-même.
40 jours pour désensabler la source intérieure.
J’aimerais vous partager ce si beau texte de Etty Hillesum :
« Il y a en moi un puits très profond. Et dans ce puits, il y a Dieu. Parfois je parviens à l’atteindre. Mais plus souvent, des pierres et des gravats obstruent ce puits, et Dieu est enseveli. Alors il faut le remettre à jour.
Il y a des gens, je suppose, qui prient les yeux levés vers le ciel. Ceux-là cherchent Dieu en dehors d’eux. Il en est d’autres qui penchent la tête et la cachent dans leurs mains, je pense que ceux-ci cherchent Dieu en eux-mêmes » (Une vie bouleversée).
Seigneur Jésus, dans ma vie si remplie, si organisée,
tu m’invites à ouvrir un espace où tu pourras demeurer.
Tu as soif de moi. Tu as faim de ma présence.
Toi, tu es toujours là et tu frappes à la porte. Je suis si souvent ailleurs !
Donne-moi la grâce, Seigneur Jésus, de me laisser trouver par toi.
Que ta source en moi coule en abondance
Frère Nicolas Morin