Homelie du 25e Dim. Ord. A
Dieu serait-il injuste? Devant notre Père céleste, les hommes ne seraient pas tous égaux ? Chacun n’aurait-il pas droit à un salaire équitablement attribué aux mérites gagnés, proportionnellement aux souffrances supportées ? Pourquoi Dieu entretient-il des privilèges des passe-droits ? Dans la Parabole des ouvriers de la 11e heure, Jésus va bousculer nos évidences, nos convictions nos pensées trop humaines. Déjà Isaïe dans la première lecture, dira l’oracle du Seigneur : « Mes pensées ne sont pas vos pensées et vos chemins ne sont pas nos chemins. »
Le Royaume de Dieu est tellement différent de nos petits royaumes que nous voulons construire à la manière humaine. Le danger c’est de vouloir comprendre trop vite, et de transformer le message en explication rationnelle. Dans ses Paraboles Jésus veut faire de nous « des chercheurs émerveillés qui n’auront jamais fini de comprendre. » (Jean Sulivan)
Dieu nous déconcerte souvent. Sa justice est tellement différente de la nôtre. Tellement opposée qu’elle en vient parfois à nous scandaliser, aussi fortement que le maître de la vigne scandalisa les ouvriers de la première heure. Pourtant, aux yeux de la stricte justice, le scandale était sans fondement. Le contrat de travail avait été scrupuleusement respecté. Un denier en échange du labeur de toute une journée était un salaire honorable.
Mais ne nous perdons pas dans des discussions sur le juste salaire. Cela est certainement très important . Mais la Parabole n’est pas faite pour cela, elle veut nous centrer sur les ouvriers de la première heure qui, comme ils s’en vanteront, « avaient supporté le poids du jour et de la chaleur. » Et la pointe de la Parabole réside dans le dialogue entre le maître et ces ouvriers.
Dans ce dialogue nous découvrons que la qualité maîtresse de Dieu n’est pas la justesse comptable, mais la bonté à l’égard de tous ses enfants. Dieu n’est pas dans le calcul ni dans la justice humaine il est bon, ce n’est pas de sa faute, c’est sa nature. Il dira aux ouvriers de la première heure :« N’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ? Ou alors ton regard est-il mauvais parce que je suis bon ? » La justice de Dieu ne se contente pas de ce qui est défini par les termes d’un contrat. Elle est bonté, générosité, surabondance de miséricorde. La mesure de ses dons est toujours « une mesure bien remplie, tassée, débordante. » (Luc VI 38)
En outre, elle s’adresse de préférence à ceux qui l’ont méritée moins que les autres mais qui ont osé lancer un cri de confiance et un regard baigné de larmes et d’amour. Nous les connaissons. Ils s’appellent Marie Madeleine, Zachée, Matthieu et tant d’autres parmi lesquels le véritable ouvrier de la dernière heure le bon larron ! « Tu seras avec moi dans le paradis. » (Luc 23, 43)
Mais on peut se demander si cette parabole est incrustée dans le fond de notre cœur, Car aussi longtemps que nous nous estimons des ouvriers de la première heure, ayant le droit de faire valoir nos prestations, notre pratique et nos dévotions, nous ne pouvons qu’être choqués par une injustice aussi criante de la part de Dieu. C’est aussi le signe que notre cœur connaît encore peu la surprenante douceur de l’amour et du pardon de Jésus.
Un jour viendra, peut-être…où notre cœur de comptable se brisera lors d’une épreuve, d’un échec, d’une infidélité. Ce sera le temps de grâce, où nous accepterons enfin de nous ranger humblement derrière les ouvriers de la dernière heure et du bon larron, n’ayant droit au moindre salaire mais seulement ébloui par la surprenante miséricorde et la bouleversante bonté de Dieu.
Quel mauvais patron tu fais…Si tu payes à chacun le même salaire sans tenir compte des horaires, plus personne ne viendra travailler de bonne heure ! Là où le patron doit agir selon les termes d’un contrat, toi, tu agis avec amour. C’est que ton salaire ne se partage pas : Par amour tu donnes, tu donnes…le bonheur total que tu rêves d’offrir à chaque humain. Même s’il vient à toi à la dernière minute ! Quel mauvais patron tu fais, Seigneur Dieu…Heureusement pour moi !