Homélie du 25ème dimanche du temps ordinaire année C
On ne sort jamais indemnes des paroles de Jésus. Car elles sont intimement mêlées, que nous les observions ou pas, à nos existences d’hommes et de femmes dans lesquelles Jésus d’ailleurs puise le sujet de ses paraboles. Après les 3 paraboles de la miséricorde, voici celle du gérant malhonnête. Une parabole à première vue si déroutante que l’on aurait envie de l’oublier. Découvert et menacé de licenciement ce gérant qui a puisé dans la caisse du patron, va s’ingénier à assurer son avenir devenu sombre tout à coup : il falsifie à la baisse les factures des débiteurs pour s’en faire des amis. On attendait un blâme mais surprise, voici un compliment du patron. Nous aurions été tellement plus heureux de voir triompher la morale ! Mais vraiment Dieu n’est pas comme nous. Il voit bien ce voyou mais il voit aussi ce qu’il y a de bon en lui : son habileté et la rapidité exemplaires avec lesquelles, confronté à une situation critique, il a su assurer malgré tout son avenir. Et Dieu voudrait bien retrouver chez ceux qui se réclament de son nom, nous chrétiens, la même énergie, la même habileté, la même patience déployées par les fils de ce monde pour arriver à leurs fins ; mais il n’y trouve souvent que moins d’imagination et plus de mollesse pour assurer l‘avenir de notre monde : la venue de Son Royaume de justice et de paix. « Les fils de ce monde semblent plus habiles que les fils de la lumière. » C’est que nous pouvons tellement nous tromper de Dieu ! « Vous ne pouvez pas servir à la fois Dieu et l’Argent ». Nous devons mettre toute notre énergie et notre ingéniosité au service de Dieu et de tous les hommes par lesquels Dieu se rend présent à nous. Car l’argent ne peut pas tenir les promesses que nous lui prêtons : nous donner la vie en abondance, la vie éternelle. Il est dit trompeur car, étranger à nous, Il s’avère pas fiable, infidèle: il nous laisse tomber au moment où nous en aurions le plus besoin, à l’heure de notre mort. De plus, nous le savons bien, quand l’argent n’est plus moyen d’échange honnête et symbole de relation, Il devient cause de déchirures et de haine entre les hommes, cause de séparations dans les familles, source de marchandage et par nos ruses et nos trafics, atteinte à la dignité de l’autre. Pourtant il nous faut bien gagner de l’argent pour vivre. C’est un grand malheur que certains ne le puissent pas. Et s’ils ne le peuvent pas, c’est justement pour une bonne part parce que d’autres lui rendent un culte. Alors, et c’est là la pointe de notre parabole : face à cet argent inconvertible car nécessaire pour vivre et face à ses conséquences humaines néfastes, Jésus nous propose non pas de servir l’Argent dominateur et asservissant qui peut nous fasciner, mais de nous servir de cet argent trompeur pour nous faire des amis, c’est-à-dire l’utiliser comme un instrument au service de la relation fraternelle, de la solidarité, de la communion entre les hommes. Il ne suffit pas d’utiliser l’argent pour se faire des pseudos amis qui ne sont en fait que des débiteurs dont on attend en contrepartie une plus value ; on se fait alors des clients mais pas des amis. Nous chrétiens, nous avons au contraire à dépenser et à nous dépenser
pour tisser dans ce monde où règne de plus en plus la loi de la jungle et la concurrence sans concession, des relations qui soient des relations d’amour « Parce que seule la charité ne passera jamais » dit st Paul. (1cor 13,8) parce que seul l’amour traverse la mort. Le patron riche de la parabole représente notre Dieu riche en amour. C’est lui l’unique propriétaire de tous les biens de l’Univers mais c’est pour les mettre à la disposition de tous. Et Il m’invite à travers tout ce qu’il m’a confié provisoirement : mon corps, ma santé, mon intelligence, mes capacités, mes relations, tous mes biens à me montrer digne de confiance dans leur gestion, en sachant que j’aurai à lui en rendre compte un jour. Si je les garde égoïstement pour moi, en faisant des idoles, je suis comme le mauvais serviteur dans la parabole des talents qui ayant peur de perdre le seul talent qu’il a, l’enfouit dans la terre, oubliant de le faire fructifier. Finalement, il est perd tout. Rien n’est exempt dans ce monde de porter du fruit pour la gloire de Dieu. Jusqu’à la prière nous dit Timothée. Quand je prie, je peux me réjouir d’être écouté par Dieu, de pouvoir lui confier ce qui me soucie. C’est déjà bien. Mais il faut souvent aussi que je quitte les vues étroites de mes intérêts personnels pour louer Dieu gratuitement et pour dilater mon cœur à tous les hommes jusqu’aux dirigeants, pour arriver à faire au nom du Christ une prière universelle, comme l’église en fait à chaque célébration eucharistique.
A chaque messe Jésus nous fait le don total de sa personne. Voici mon corps livré pour vous. Je vous le donne totalement et gratuitement. Et si nous croyons lui être débiteur de quelque chose, il nous dit « Voici mon sang répandu pour la multitude en signe de la rémission des péchés c’est-à-dire en signe de la remise générale de tous mes manques d’amour envers Dieu et les hommes. Et pour nous aider à le suivre à notre tour sur ce chemin, il nous fait un dernier don : « Recevez l’Esprit Saint, le Bien Véritable, non pas celui qui passe mais celui qui demeure, non pas une richesse étrangère mais notre Trésor à tous car tout ce qui est au Père est à moi ; et moi avec le St Esprit, je vous donne tout ce que j’ai reçu du Père.
Il nous faut entrer dans cette générosité de Dieu. Au moment du grand règlement de compte, jamais Dieu ne nous reprochera d’avoir utilisé les biens trompeurs de ce monde pour diminuer la misère des autres, matérielles ou morales. Au contraire ce sont tous ces amis que nous aurons pu nous faire avec ces biens: les affamés et les abandonnés, les sans foyers et les sans travail, les malades et les prisonniers, ce sont tous ces amis dont nous aurons besoin comme témoins au jugement dernier. Bienheureux alors serons nous s’ils ont pu bénéficier du bon usage et de la sage gérance de nos biens. C’est ainsi que nous serons « accueilli par eux dans les demeures éternelles de Dieu. »
Gérard Barthe