(2er Dim. Avent C 2015)
On ne connaîtra sans doute jamais l’auteur du livre de Baruch. Ce petit livre est écrit en différents styles et par différentes mains. Qu’importe ! Ce petit livre merveilleux peut nous préparer à Noël en ces temps de « désolation et d’abomination » pour reprendre des termes bibliques. Mais oser dire à des déportés, chassés loin de leur patrie, au temps de l’exil, à des cohortes de gens partis, humiliés, ruinés : « Quitte ta robe de tristesse et de misère » Est-ce une parole folle et inconsciente de quelqu’un qui ne connaît pas la douloureuse réalité ? Ou au contraire une parole d’un homme habité qui vient d’ailleurs et qui voit au delà  ?
Car pour comprendre un texte, pas seulement avec les oreilles, mais aussi avec le cœur et le yeux, il est important de regarder ces gens affamés, sales, meurtris qui passent devant moi, et me poser la question : N’est-ce pas folie de leur dire : « Revêts-toi de la parure de la gloire de Dieu. » Mais où est-il Dieu et sa gloire ? « Mets sur ta tête le diadème de la gloire de l’Eternel. » Mais ce sont des gens qui n’ont plus que leur tête pour pleurer. « Tiens-toi sur le hauteurs. » Alors qu’ils sont dans les bas fonds de l’histoire !
Ne faudrait-il pas parler moins fort ! Etre plus humble, et regarder  la sombre réalité ? Mais ce que Baruch proclame nous l’avons entendu toute la semaine chez Isaïe : « Le loup habitera avec l’agneau…Il n’y aura plus de mal et de corruption…Le Liban se changera en verger…Ce sera la fin des tyrans… » Nous en sommes loin aujourd’hui ! Toujours est-il que dans ces temps de désolation il est important d’entendre des paroles qui nous soulèvent et renforcent notre espérance en un monde meilleur.
Mais me revient souvent la prière du dimanche matin d’Etty Hillesum, que nous pouvons faire nôtre en ces temps de désolation: « Cette nuit…je suis restée éveillée dans le noir, les yeux brûlants, des images de souffrance humaine défilant sans arrêt devant moi…Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon cœur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous.
Enter dans cette prière, j’allais dire dans ce cri, nous permet de quitter notre robe de tristesse et de prendre de la distance par rapport à cette morosité ambiante et cette avalanche de drames qui tourne en boucle dans les médias. N’est-ce pas la distance qu’a pris Jean le baptiseur en fuyant dans le désert. C’est qu’il va devenir une voix, au dessus des toutes les autres voix. Certes elle est rude, mais elle permet aussi de quitter notre robe de tristesse et de misère.
Comme un bon ingénieur, Jean dresse le plans d’une vraie relation avec Dieu et avec les autres. Il évoque les ravins à combler, les montagnes à aplanir, les virages dangereux à redresser, les dos d’âne et les nids de poule à réparer . Car le moment est venu de débroussailler ,de planter des fleurs de louange et de communion, de jeter des ponts de convivialité. Jean n’a pas connu le réchauffement climatique, mais cette voix du désert qui demande une conversion et un changement radical peut être actualisée par la merveilleuse encyclique du Pape François Laudato Si : « s’il est vrai que les déserts extérieurs se multiplient dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont devenus très grands, la crise écologique est un appel à une profonde conversion intérieure. » (217)
La voix du désert continue de crier aujourd’hui avec d’autres défis, car les ravins où l’on se perd ne sont pas comblés et les montagnes d’or malhonnête ne sont pas rabaissées. Et nos cœurs sont encore tortueux, divisés et compliqués ! Mais la voix continue de nous tarauder vers ce qui est droit, vrai et beau. Et surtout renforce notre désir d’une « maison commune » où tous ont leur place. C’est la folle espérance du Pape et la nôtre aussi.
Oui continue de crier Jean-baptiste. Crie que l’amour est plus fort que l’absurde.
Crie dans nos déserts et nos désirs profonds.
Mais crie surtout pour que nous préparions les chemins du Seigneur !
M de W