« Aussitôt »

(3e Dim. Ord. B 2018)

Je ne vous cache pas que cet Évangile m’a posé problème. Marc nous dit que les quatre disciples « aussitôt  laissèrent tout ». Il est vrai que ce petit mot « aussitôt » est particulièrement affectionné par Marc, il l’emploie 42 fois dans son court récit. Mettons nous à la place des disciples. Ils rencontrent un inconnu qui les appelle à lâcher travail, barque, filets et relations et sans réfléchir ils lâchent tout ! N’est-ce pas de l’inconscience ! Même Jonas, dans ce merveilleux petit conte, se sauve de sa mission . Il lui faut rester trois jours et trois nuits dans les entrailles du poisson pour obéir enfin à l’ordre de Yahvé.

Quand on sait le temps qu’il nous faut pour lâcher ce que l’on affectionne le plus. Quel combat jusqu’au dernier souffle de notre vie ! Que de recherches pour trouver le sens de notre vie et notre vraie vocation sur terre ! Ce n’est pas « aussitôt » que nous la trouvons il nous faut parfois pas mal d’échecs et de souffrance ! Mais ce qui me rassure c’est que, même les Pères de l’Eglise, taxaient de légèreté d’esprit le fait de tout abandonner pour suivre un inconnu dont on ne sait rien.

Quelle raison a pu pousser Marc à débuter ainsi son récit contre tout vraisemblance ? Il faut dire qu’ici la vraisemblance historique ou psychologique n’est pas le souci premier de Marc. L’Evangile n’est pas un livre dans le sens moderne où l’on raconte les faits dans l’ordre chronologique. Marc veut mettre en valeur combien la bonne nouvelle du règne de Dieu fait irruption brutalement dans le travail quotidien et la vie de famille et combien elle modifie radicalement la vie de ceux qui la reçoivent.

Dans la réalité, Simon et André, Jacques et Jean ont sans doute connu Jésus et dialogué avec lui avant de le suivre. Dans le récit de Jean, avant l’appel, il y a tout un jeu de regards, d’approche, de rencontre. Jean sera même très précis :« Ils demeurèrent auprès de lui, ce jour-là, c’était environ la dixième heure»(Jn I 39)
Il n’empêche que Jésus devait exercer une fameuse séduction pour arracher des gens à leur train-tain habituel !

Les disciples étaient donc des hommes simples qui faisaient partie du petit peuple d’Israël. Mais aussi des hommes lourds qui ne comprennent pas le message (Mc IX 32). Ils se querellent pour la première place alors que Jésus leur dit sans cesse qu’il faut prendre la dernière. Mais c’est surtout quand Jésus annonce sa Passion, qu’ils sont dans la stupeur. Marc nous dira brièvement : « Ils étaient en route…et Jésus marchait devant eux, et ils étaient dans la stupeur, et ceux qui suivaient étaient effrayés. »(Mc X 32) On peut comprendre. Jésus les avaient tellement séduit par sa parole et surtout par ses actes. Ils avaient tout lâcher pour le suivre, et voilà qu’il parle de son départ. Pourtant ce sont ces hommes simples et lourds que Jésus a voulu choisir.

Jésus a voulu commencer son Eglise avec le tout-venant, avec des hommes tout ordinaire, pas avec des parfaits, des gens qui sont en harmonie parfaite avec le corps l’âme et l’esprit . Ce tout-venant, Jésus les met à sa suite pour « devenir pêcheurs d’hommes » C’est le miracle perpétuel ! Et il se perpétue depuis 2000 ans. Malgré toutes les faiblesses de l’Eglise, malgré toutes les divisions, le Message est toujours annoncé. Des disciples se lèvent, laissant leurs filets qui enferment pour partir à la suite du Maître.

Cet Evangile est rassurant, et il est vraiment une Bonne Nouvelle. Qui que tu sois, quel que soit ton passé et l’état actuel de ton âme, tu es appelé à le suivre, à mettre tes pas dans ceux de Jésus. Si ton cœur est brûlé d’amour pour lui, tu trouveras les paroles et les attitudes qui montreront que tu es un être habité par plus grand que toi. La Bonne Nouvelle est souvent annoncée par des tout- petits. Laissez-moi terminer par l’histoire de Christiane. Qui dira que « la pauvreté de son enfance est la richesse de sa vieillesse »  Elle ne peut plus sortir de son appartement. Mais elle passe son temps à tricoter des chaussons, des bonnets, des pulls pour ceux qui ont froid. A chaque maille elle ajoutera : « Paix pour le monde, paix en moi. » Sa solitude est peuplée de tous ceux qu’elle porte en elle.

Quel est le filet que je dois lâcher pour tricoter des mailles d’amour ?

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