Le fils de Timée, homélie du 30e Dimanche du temps ordinaire année B 2018

Le fils de Timée
(30e Dim. B 2018)

Laissez-moi encore vous parler de Timée, car cet aveugle me donne une lumière qui vient d’ailleurs. Et parce qu’ aussi je suis souvent l’aveugle sur le chemin. Mais comme je voudrais crier comme lui, d’un cri qui vient du plus profond, du plus charnel de mon être et lâcher mon lourd manteau d’habitudes de pesanteur de toutes sortes pour me jeter dans les bras de Jésus, malgré le qu’en-dira-ton, et les commentaires de toutes sortes. Et dans ses bras lui dire, comme Pierre, : « Tu sais bien que je t’aime »(Jean 21, 17)
Mais, reprenons cette merveilleuse rencontre de Jésus et de l’aveugle. Car l’Évangile est un tel trésor avec tellement de facettes, que chaque fois nous en découvrons de nouvelles perles. « Les vraies lectures sont brûlantes » dira Christian Bobin . Laissons-nous donc brûler par ce texte afin de nous laisser guérir de tous nos aveuglements. Il est d’ailleurs frappant que les autres récits de miracles du Nouveau Testament ne donnent aucun nom. Bartimée est le seul que l’on nomme. On peut penser qu’il aurait appartenu par la suite à un groupe de croyants proches de Marc.

Ce qui est le plus frappant c’est la réaction des gens devant l’appel à l’aide de l’aveugle : Comment lui, Bartimée, peut-il se considérer assez important pour troubler l’entrée triomphale du Messie ? Qu’il reste donc à sa place, condamné à vivre passivement dans le besoin et dans la dépendance. Quel droit aurait-il de prétendre comparaître devant le Messie, lui le mendiant ? Le cercle vicieux est manifeste. On n’accepte et on soutient l’aveugle aussi longtemps qu’il reste tranquille effacé ! Il obtient tout tant qu’il mendie, mais il n’a aucun droit à prendre la parole.

Pourtant quel miracle quand un homme écrasé, assis au bord du chemin, trouve assez d’énergie pour se redresser. Quand Bartimée apprend que Jésus passe par là, c’est comme si le bandeau de la peur et de l’habitude tombait de ses yeux, et il appelle au secours. Lui le mendiant, ose crier ce qui le hante. Il s’avance sous les yeux du public. Et celui qu’on ne voyait que comme un pauvre type perdu, se bat maintenant pour recouvrer la vue, l’indépendance. Lui qui n’avait le droit que de tendre la main, s’attribue le droit de réclamer la parole. Pour la première fois, il proteste contre l’obligation de rester tranquille, sans autre perspective que la résignation. Enfin il se rebelle contre cette charité de pitié qui faisait de lui un aveugle et un mineur.

Qu’il trouve la force d’appeler au secours est déjà en soi plus qu’admirable. Mais au moment, où l’homme que beaucoup tiennent pour le Messie, sort des murailles de Jéricho, il ose crier : « Jésus, fils de David, aie pitié de moi ! » Bartimée pense, peut-être, que le Messie montrera justement sa grandeur en cessant de le rabaisser, lui le mendiant. Et si les autres l’écartent de leur route, peut-être lui ouvrira-t-il la route en le laissant aller les yeux ouverts !

Le second volet du miracle : Au milieu de la foule, Jésus entend le cri de l’aveugle. Et ce cri détonne au milieu des applaudissements. Il dérange le protocole ! Le texte nous dit d’ailleurs « que beaucoup le rabrouaient pour lui imposer le silence » Mais pour Jésus l’appel de ce mendiant est plus important que les milliers de «  hosannas. » Au milieu de l’agitation de ces foules bruyantes du Moyen-Orient Jésus entend, voit, appelle. Il se passe alors quelque chose d’inouï, celui qui habituellement est assis, tendant la main pour recevoir la piécette « rejette son manteau, bondit vers Jésus. »

Et Jésus ne va pas d’abord le guérir en lui imposant les mains, mais lui demander : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Oh délicatesse divine !  Jésus va lui demander quel est son désir profond ? De quoi veux-il être vraiment guéri ? Il importait que l’aveugle dise, par lui même, son besoin de voir. Jésus redira alors son petit mot habituel : « Va » Et l’aveugle pourra bondir à sa suite.

Ce cours Evangile nous pose pas mal de questions pour notre vie d’aujourd’hui : Quelles sont nos cécités ? Est-ce que nous regardons celui qui à nos yeux paraît insignifiant au bord du chemin ? Quel manteau avons-nous à enlever pour suivre notre vrai chemin à la suite de Jésus ?

« Je suis l’aveugle sur le chemin, guéris-moi je veux te voir. »

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