Les deux veuves

(32e Dim. Ord. B 2015)

Deux femmes, deux veuves, celle de Sarepta et celle de l’Evangile. Elle n’ont plus rien, juste un peu de farine, un peu d’huile et deux piécettes. C’est peu pour vivre quand on n’a plus l’homme pour assurer la subsistance de toute la famille. Pas de sécurité sociale et encore moins d’existence aux yeux de la société. Ces femmes font partie des pauvres de Yahvé, « les Anawims » Ces pauvres sont affligés par la vie, mais à travers tout mettent leur confiance en Dieu. Leur trésor c’est Dieu !

On aurait envie de rencontrer ces femmes pour qu’elles nous disent le secret de leur cœur, leur confiance en Dieu. Mais ne faut-il pas comme Jésus nous asseoir et regarder avec les yeux du cœur ceux qui n’ont rien et qui peuvent tant nous apporter ? Car dans une société où l’œil a tellement d’importance, cet Evangile est spécialement parlant. En quelques phrases l’essentiel est dit, le paraître est démasqué, le regard est dans la vérité.

Regardons la scène de l’Evangile : Jésus est assis non pas sur la montagne ou sur la margelle d’un puits, mais dans le Temple en face de la salle du trésor. Et là il s’assied pour mieux voir, pour mieux regarder, pour découvrir le vrai trésor. Ici, il ne fait pas de miracle, car le miracle est dans le regard. En fin observateur de l’homme dont il connaît bien les replis les plus secrets Jésus va découvrir les gestes vides, purement ostentatoires .

Mais, il y a une apparition. Une pauvre veuve entre dans le Temple. On l’imagine petite, menue, habillée de gris pour se faire encore plus discrète dans sa pauvreté matérielle et affective. Sans doute ressemble –t-elle à bon nombre de gens que nous côtoyons sans même les voir. Car aujourd’hui pour exister il faut participer au tintamarre du monde où tout est mis en spectacle même la vie privée ! Mais cette pauvre femme nous rappelle que l’essentiel reste toujours caché, « il est invisible à nos yeux. » D’ailleurs on ne sait rien d’elle, de sa vie, de ses joies, de ses peines.

Son geste révèle une richesse étonnante : « Elle a pris sur son indigence. » Cette petite phrase de l’Evangile vaut son pesant d’or . Seuls, ceux qui ont offert leur misère peuvent comprendre, seuls ceux qui ont offert leurs deux piécettes peuvent rentrer dans cette béatitude. Cette veuve peut tout donner car elle n’a rien à perdre. Elle n’a rien à défendre puisqu’elle n’a rien.

La veuve a tout donné malgré son indigence. Elle a su faire pour Dieu une folie : lui donner sa dernière assurance, s’en remettre à Dieu pour l’avenir et pour le pain d’aujourd’hui. Elle a su affronter le risque de manquer, comme la veuve de Sarepta qui a sacrifié pour Elie sa dernière poignée de farine. Bien sûr que ce sacrifice fait peur, mais Elie lui dira : « N’aie pas peur, va…Cuis-moi une petite galette… Et la jarre de farine ne s’épuisa pas. » Cela ne fait-il pas penser à l’Eucharistie où malgré notre pauvreté nous recevons le pain en abondance !

Mais, ce regard de Jésus peut nous faire comprendre que la transformation de notre monde ne se fera jamais sans les petits, les humbles, les pauvres. Leurs apports contribuent à la construction d’un monde nouveau où tous seront reconnus et respectés.

Utopie, peut-être, mais c’est ce que crie notre pape François dans tous ses discours. Et il rappellera les paroles fortes de Saint Jean Chrysostome : « Ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs. » (Evangelii Gaudium 57)

Donne-moi tes yeux qui ont regardé avec tendresse la pauvre veuve !

M de W

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