«Ouvre-toi!», homélie du 23ᵉ dimanche du temps ordinaire année B

Homélie du 23ᵉ dimanche du temps ordinaire année B

«Ouvre-toi!»

En ce temps de reprise de toute activité, voici des textes qui nous invitent à nous ouvrir à l’Espérance, à l’action créatrice de Dieu pour avoir ensuite la capacité à nous ouvrir aux autres, surtout ceux qui n’ont plus d’espérance. Car parfois en regardant notre société avec ses mensonges, ses scandales, son lot de malades et de victimes de violence de toutes sortes, en voyant aussi revenir régulièrement en nous nos désespérantes faiblesses, nous pouvons avoir l’impression que le mal l’emporte toujours, que l’homme est un éternel condamné à la souffrance et que demain sera peut être pire qu’aujourd’hui. C’était dans cet état d’esprit que le peuple d’Israël se trouvait au fond de son exil à Babylone se demandant : « Que fait Dieu ? » « Aurait t-il oublié ses promesses de nous sauver? Il nous faut entendre alors cet encouragement d’Isaïe valable pour toutes les générations: « Dites aux gens qui s’affolent : prenez courage, ne craignez pas, voici votre Dieu. C’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu. » Le peuple d’Israël s’attendait sans doute à ce que cette vengeance s’exerce contre son oppresseur. Mais Dieu n’agit pas à la manière humaine. La vengeance de Dieu ne s’exerce pas contre les hommes mais contre ce qui fait du mal à l’homme. Le Salut offert par Dieu se manifeste par la restauration de l’humanité dans son intégralité. Les yeux des aveugles et les oreilles des sourds s’ouvrent, le boiteux bondit, la bouche du muet crie de joie, même l’eau jaillit dans la terre aride faisant disparaitre famine et soif. C’est la vie qui jaillit à profusion, c’est l’homme qui est réconcilié avec lui-même, avec les autres avec la nature et avec son Dieu. Dieu vient se venger de toutes les morts de l’homme. Et ce sont les temps messianiques qui sont annoncés : « Dieu vient lui-même pour vous sauver ! » Cela se réalisera en Jésus Christ. Mais l’ultime vengeance de Dieu, ce sera quand Jésus sera mis à mort par le péché du monde : Dieu vengera alors le Christ en le ressuscitant. Et L’histoire de la guérison de cet homme exclu de toute relation puisqu’il ne peut pas entendre et qu’il a des difficultés à parler nous montre qu’aujourd’hui encore tous les hommes, sans exception quelle que soit leur misère, peuvent espérer renaître à la vie. Car ce sourd bègue nous représente tous. Il est l’homme qui n’a jamais pu entendre la Parole de Dieu, l’homme qui entend mal cette Parole, l’homme muré dans sa souffrance, sa solitude. Mais il est révélateur aussi de l’homme bien portant et accumulant les réussites, qui pense se suffire à lui-même et pouvoir mettre la Parole de Dieu de côté. Et Jésus va accomplir plusieurs gestes salutaires pour guérir cet homme diminué physiquement, spirituellement, socialement.

Tout d’abord Jésus n’obtempère pas à la demande de la foule d’imposer les mains sur l’homme. Jésus ne veut pas être le magicien répondant aux demandes d’une foule avide de spectaculaire et d’évènements sensationnels. Mais il va l’emmener à l’écart loin de la superficialité de la foule pour vivre avec lui une relation privilégiée, seul à seul, montrant que cet homme infirme est malgré tout une personne, un sujet qui doit entrer dans l’univers de la foi et non pas être un numéro dans une foule. Chacun de nous est appelé par Jésus à venir régulièrement à l’écart, dans le calme et le silence, loin des décibels déchainés et des slogans mensongers de notre société. Car c’est toujours dans la brise légère et non dans le grand vent que nous pourrons entendre la rassurante voix de Jésus qui se révèle dans l’Evangile. Jésus me fera découvrir alors que je suis aimé pour moi-même. Et quand on

découvre cela on est déjà guéri de bien des infirmités. Car la foi est bien plus que croire en un ensemble de préceptes : la foi c’est découvrir que j’existe pour Dieu, que je suis unique pour lui, que ma vie l’intéresse. Mais Jésus ne peut me guérir de tout ce qui est abimé en moi sans mon consentement à me laisser toucher par lui. Peut être que ces images trop sensibles de Jésus me hérissent le poil ? Mais tous ces détails du contact physique de Jésus avec cet infirme veulent dire que Jésus vient nous trouver et s’en prendre à notre mal là même où le mal sévit. Il ira ainsi jusqu’à toucher un lépreux au risque de devenir lui-même impur. Les gestes que fait alors Jésus avec le sourd muet rappellent symboliquement ceux de la création. Il met ses doigts dans ses oreilles pour les déboucher et le faire entendre, et avec sa salive il touche sa langue muette pour lui transmettre la parole. Quand notre langue est sèche, Jésus nous donne sa propre salive. Cela peut sembler un peu dégoûtant mais cela veut dire que quand notre prière est aride, il nous faut laisser mettre dans notre bouche les paroles du Christ. Mais voilà que « levant les yeux au ciel Jésus soupire » C’est comme s’il souffrait lui-même. Ne nous y trompons pas : toute délivrance d’un mal est pour Jésus le fruit d’une prière mais aussi d’une souffrance : tout en guérissant, Jésus paye de sa personne pour venir à bout du mal qui est très fort, pour venir aussi à bout de nos résistances à nous laisser ouvrir par la Parole de Dieu. La guérison totale de l’humanité ne coûtera pas moins à Jésus que le don de sa vie sur la croix ! Pour être victorieux du mal en nous, Jésus a donc besoin de la force que lui donne son Père. Mais il a autant besoin que nous reconnaissions que nous avons besoin d’être guéri en lui donnant notre confiance. C’est ce que nous avons à vivre avant chaque communion: « Seigneur je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serai guéri » Jésus ne dit pas alors « Sois guéri » ou « Entends et parle », Jésus dit « Ouvre-toi ». Au-delà de la vue et du langage, Jésus rétablit l’infirme dans son intégrité, sa dignité, sa capacité à être responsable. Cet homme guéri n’est pas venu de lui-même à Jésus : d’autres l’ont accompagnés jusqu’à Lui. De même, nous ne venons pas au Christ tout seul : nous y allons toujours portés par la foi des autres et leur charité. Or nombreux, dans notre société, sont ceux qui n’ont jamais la parole, ceux qu’on n’écoute jamais et qui attendent que quelqu’un vienne les prendre par la main pour les conduire à Jésus. A nous qui avons été touchés par Jésus de leur transmettre à notre tour la grâce d’entendre la Parole de Dieu pour en être guéri .C’est alors que régénérés ensemble par la parole de Jésus, nous ne pourrons plus taire la joie que nous aurons retrouvée: « Vraiment, tout ce que Dieu fait est admirable !» Que cette eucharistie, geste de Jésus envers chacun de nous, nous ouvre toujours un peu plus à Celui qui fait toute chose nouvelle !

Gérard

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