Jésus : une Parole qui fait autorité

Homélie du quatrième dimanche du temps ordinaire, année B

L’Evangile de ce dimanche nous ramène au début du ministère de Jésus. Il vient tout juste d’appeler ses quatre premiers disciples au bord du lac de Tibériade. Avec eux, il arrive à Capharnaüm. Et tout de suite il entre à la synagogue pour prendre, pour la première fois, la parole en public.
Et voilà qu’à la différence des scribes, « On est frappé par son enseignement car il parle avec autorité ». Les gens entendent une parole qui les réveille et les surprend : ils se trouvent devant un homme qui leur délivre un enseignement qu’ils n’ont jamais entendu, des paroles qu’ils comprennent et qui les intéressent.   Les scribes répétaient ce qu’ils avaient appris, se souciant avant tout d’expliquer la lettre de la Loi. Jésus, lui, prend une grande liberté par rapport à cette Loi juive. Surtout il parle en son nom propre: souvenons nous des « il vous a été dit et moi je vous dis » du discours sur la montagne. Jésus se référera souvent à l’Ecriture mais pour montrer que c’est elle qui, tout entière, se réfère à lui. Car partout dans la Bible nous trouvons ce qui l’annonce, le révèle, prépare sa manifestation. C’est bien ce qu’il expliquera aux disciples d’Emmaüs : « Commençant par Moise et par tous les prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures ce qui le concernait. » Jésus parle comme un homme qui connaît l’homme et qui connaît aussi le règne de Dieu. Il est le nouveau Moise promis par Dieu : « je mettrai dans sa bouche mes paroles et il dira tout ce que je lui prescrirai. » C’est Dieu qui en lui rend Sa Parole brulante de vérité, c’est Dieu en lui qui permet à son regard de lire jusque dans les cœurs, non pas pour inquiéter comme voudrait le faire croire le Malin mais pour rassurer, guérir, libérer de tout ce qui peut aliéner. Ainsi de Jésus émanait une plénitude de vie qui s’offrait aux hommes comme une amitié gratuite et cela ravivait en chacun un sentiment de dignité, un désir de vérité, un désir aussi de paix avec Dieu et avec les autres qui unifiait l’homme que le malin aurait bien voulu diviser. Mais la liberté de parole n’est pas la seule forme d’autorité dont Jésus fait preuve: le voici qui « commande aux esprits mauvais et ils lui obéissent. » Au temps de Jésus où toute maladie, toute infirmité étaient plus ou moins regardée comme liée a une influence diabolique, il existait des exorcistes qui rivalisaient de paroles magiques, de procédures aussi étranges que compliquées. Une seule parole dite avec force suffit à Jésus : « Silence !» la même parole qu’un jour il adressera à la mer déchaînée, symbole et lieu des puissances maléfiques. Et il ajoute pour le démon impur qui tourmentait l’homme « Sors de cet homme ! ». La violente secousse et le grand cri de l’esprit mauvais montrent à la fois l’emprise du mal sur l’homme et la puissance de la parole de Jésus. Mais l’importance du premier acte public de Jésus ne tient pas à son aspect spectaculaire mais au dialogue étonnant qu’il suscite. « Que nous veux- tu,  Jésus de Nazareth ? Es tu venu pour nous perdre ? « Je sais qui tu es : le saint de Dieu ! ».C’est déjà le nous qui surprend : Derrière ce cri il faut voir beaucoup plus que la lucidité d’un déséquilibré impressionné par la parole de Jésus. Il est le représentant de toutes les forces de refus que l’Ennemi voudrait mobiliser. La présence de Jésus est tellement impressionnante et menaçante pour leur pouvoir que leur seule défense possible est de crier la vérité : « Je sais qui tu es : le saint de Dieu ! ». Les hommes, de par la liberté que leur laisse Dieu, s’interrogent : « Qu’est ce que cela veut dire ? » Question éternelle devant aboutir à la réponse du centurion au pied de la Croix : « Vraiment cet homme est le Fils de Dieu ! ». Les démons, eux savent qui est Jésus mais ne veulent pas entrer dans une relation d’amour avec Lui.  C’est le même combat qui continue de nos jours. A certaines heures, nous pouvons être visités par l’esprit de refus, visités par une certaine peur de la lumière divine. Nous sentons bien que l’Evangile de Jésus voudrait bousculer nos réflexes de fermeture, d’autosuffisance, que la parole vivante et puissante de Jésus voudrait pénétrer comme un glaive à la jointure de notre cœur, là où se décident l’accueil ou l’imperméabilité, le dialogue ou le mutisme, la docilité ou le raidissement, la transparence ou la dissimulation, le découragement ou l’espérance. Nous pouvons même percevoir clairement que l’Amour de Dieu voudrait chasser de nous toute crainte, mais nous nous défendons pour ne pas perdre une certaine autonomie devant Dieu et devant nos frères. Le Christ s’offre à notre amitié, il s’offre à faire de nous des êtres de communion, et chaque fois que nous lui disons « non », c’est comme si nous lui disions: «Es tu venu me perdre ? » Le possédé représente toute l’humanité et ce qu’il y a de pécheur en chacun de nous, ce que St Paul nomme « les puissances qui gouvernent le monde » et que nous connaissons que trop bien : les démons de la possession, de l’argent, du culte de notre propre image, les démons de la recherche du pouvoir, tout ce qui nous tient comme ligoté, enfermé sur nous-mêmes et qui nous ferme à l’amour et la lumière de Dieu. Devons nous être effrayés par ces forces maléfiques ? En remontant vers le Père, Jésus ne nous a pas laissé seul face à toutes ces forces mauvaises ; il nous a envoyé un Défenseur, l’Esprit Saint qui habite désormais en chacun de nous. Si nous le lui demandons, il nous donnera force et lumière pour découvrir, au milieu de toutes les paroles creuses ou mensongères qui nous envahissent, la Parole qui rassure et libère. Et bouleversés par tant d’amour, nous pourrons crier en vérité au Christ vainqueur: « Je sais qui tu es, Jésus, le Fils de Dieu ; je sais que tu viens pour me sauver, pour nous sauver de tout mal»

Gérard

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